L’assassinat de Ghislaine et Claude, un acte ignoble

7 novembre 2013

L’assassinat de Ghislaine et Claude, un acte ignoble

Hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Exceptée sa voix qu’on entendait sur les antennes de Rfi, comme tout jeune journaliste nouvellement venu dans la profession, je n’ai pas connu Ghislaine Dupont, encore moins Claude Verlon. Néanmoins, il faudrait avoir une pierre à la place du cœur pour ne pas être indigné par le meurtre ignoble et lâche de ces deux confrères de Rfi, froidement assassinés le 2 novembre 2013 près Kidal (Mali). Certes, c’est la liberté d’expression qui est ainsi assassinée, mais au-delà du devoir de confraternité entre journalistes, c’est « l’Homme » tout court qui, dans sa dignité, est ébranlé par cet acte. Des journalistes dont le professionnalisme dans le traitement de l’information fait l’unanimité, ne devraient  pas faire les frais d’un conflit qui oppose des groupes armés à un ou des Etats.

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Ces soi-disant djihadistes ont eu tout le temps pour montrer ce dont ils sont capables face aussi bien à la Misma (mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) qu’à l’opération Serval. Ce n’est pas après la libération du Nord-Mali et l’investiture d’un président de la République élu démocratiquement, qu’ils vont s’en prendre à des innocents qui n’ont comme armes que le micro, le stylo et la caméra. On n’a pas besoin de connaître le droit international humanitaire pour distinguer le combattant du non-combattant.  Rien ne justifie l’assassinat de ces deux journalistes. C’est juste un crime crapuleux. Qu’on soit journaliste ou non, Français ou citoyen d’un autre pays, de confession chrétienne ou musulmane, on ne peut que le déplorer.

Les ennemis de l’islam

Ce ne sont pas les non-musulmans qui ternissent le nom de l’islam, mais ceux qui assassinent au nom de l’islam pour, en réalité, leur propre compte, servir leurs intérêts égoïstes, leur insatiable cupidité. Ils se font appeler « islamistes » ou « djihadistes », alors que les noms qui leur conviennent le mieux sont, « terroristes, « bandits », « voleurs », « contrebandiers », « criminels », « malfrats » et que sais-je encore ? Pour preuve, ils ne prennent comme otage que ceux qui ont la bourse assez remplie pour payer des rançons de millions d’euros. Un otage indigent, c’est du jamais vu, ni entendu. Les pays pauvres bien qu’ils sont aussi peuplés de  non-musulmans ne sont pas inquiétés car des telles opérations ne feraient pas recettes.

Qui connaît la destination de cet argent rançonné au nom de l’islam ? A-t-on construit une mosquée ou mené une action humanitaire avec ? Il est facile de deviner que non. Cet argent n’a eu d’autre destination que la poche de ces mêmes terroristes. Mais ce qui est malhonnête dans tout ça, c’est de dénoncer avec la bouche l’islamophobie et manger avec la même bouche l’argent des islamophobes. Alors accomplissez vos business malsains et laissez tranquilles l’islam et la vie des journalistes. De grâce !

La presse guinéenne rend hommage

Ce mardi 5 novembre 2013, la presse guinéenne débout derrière Mouctar Bah, le correspondant de l’AFP en Guinée, est venue pleurer à la Maison de la presse ce qui lui restait de larmes. Pour rendre un dernier hommage à Ghislaine et Claude, morts sur le champ de bataille, les armes de la liberté à la main. Je disais au début de ce billet que je n’ai pas connu Ghislaine et Claude physiquement. De leur vivant, aurais-je dû ajouter. Morts à présent, je les découvre. Grâce au témoignage certes pathétique, mais riche de celui qui était leur collègue, Mouctar Bah.

Parlant de Ghislaine Dupont, Mouctar Bah a déclaré: « Je l’ai connue d’abord à Paris et puis à Conakry. C’est une professionnelle que beaucoup ont pu entendre. C’est une journaliste de métier dossiers, d’analyses. Ce n’était pas une journaliste de l’à peu-près. Ce n’est pas parce qu’elle est décédée. Tous ceux qui écoutent Rfi ont entendu Ghislaine.  Pour étayer ses dires, le correspondant de l’AFP a évoqué ’un séjour en Guinée de Ghislaine en 2008. Le pouvoir de feu président Lansana Conté agonisait. Le président lui-même n’était plus qu’un lion édenté qui ne fait plus peur à personne. Comme c’est souvent le cas en pareilles circonstances dans nos démocraties bananières, les jeunes militaires se révoltent au Camp Alpha Yaya Diallo, situé dans la banlieue de Conakry. Pour la première fois, les Guinéens ont entendu le nom d’un certain Claude Pivi qui s’était autoproclamé porte-parole non seulement des mutins, mais aussi de l’armée guinéenne.

Ghislaine Dupont qui se plaisait à relever les défis des reportages les plus chauds pour ne pas dire périlleux, décide de se rendre dans la tanière du lion, interviewer Claude Pivi que n’osait même pas approcher à ce moment là le chef d’état-major général des armées. « Pivi était bardé de cauris et de gris-gris, décrit Mouctar Bah. Ce n’était pas un homme méchant, mais personne n’osait s’approcher de lui. Même la hiérarchie militaire avait quitté le camp. Ghislaine voulait aller voir Pivi. Je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas compter sur moi, ni sur mon chauffeur. Malgré cela elle a décidé d’y aller. Ghislaine a été déposée avant le camp par le chauffeur de taxi. Elle fit le reste du chemin à pied. Mouctar Bah de poursuivre : « Au bout de quatre heures, elle me retrouve à l’hôtel. Elle me dit, j’ai vu Pivi, gentil, humain, extraordinaire ! ». C’est quand elle a diffusé la première interview de Pivi que les journalistes guinéens ont osé demander audience au camp Alpha Yaya ».

Au Congo, Ghislaine Dupont n’aura pas pu gagner l’amitié des autorités qui l’ont expulsée pour se mettre à l’abri de ses reportages . Mouctar de railler : « Quand on voulait se moquer de Ghislaine, on lui disait, c’est grâce à toi que Rfi n’a pas couvert les élections au Congo ».

 Contrairement à Ghislaine, Mouctar n’a pas bien connu Claude Verlon. Mais il garde quelques souvenirs de lui : «  Je me souviens de lui avoir serré la main dans les couloirs de Rfi à Paris. Il est venu en Guinée en 2007, à l’occasion du prix découverte Rfi. On n’était pas familier, je ne peux pas parler de lui. Mais vous avez entendu comme moi que c’était un génie, un technicien de son, hors du commun. Vous avez entendu parler de Claude Verlon en Libye, en Irak, en Syrie ; partout où il y a des conflits, il est là ».

L’ambassadeur de France en Guinée,  Bertrand Cochery, accompagné de son homologue d’Espagne,  Guillerme Aridzone, était aussi à la Maison de la presse où il a rendu hommage aux deux journalistes : « La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon est un assassinat odieux, abject qui ne peut susciter que l’indignation. Aujourd’hui, c’est Rfi qui est en deuil, leur  famille, la France et toute l’immense communauté des médias africains pour qui et avec qui Ghislaine Dupont et Claude Verlon avaient si étroitement travaillé  jusqu’à la dernière minute ». Un message aux journalistes en début de carrière : « Je pense que le plus bel hommage que vous puissiez faire à Ghislaine et à Claude c’est que tous les matins, quand vous travaillez, de penser à eux, à leur exigence, leur professionnalisme. Ce faisant, vous serez vous-mêmes les détenteurs de ce qu’ils ont donné pour la presse, pour sa liberté, pour la vérité ». Dormez en paix, chers confrères combattants.

 

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