Célébration de fêtes en Guinée : Pas toujours pareil partout et en tout temps

25 octobre 2013

Célébration de fêtes en Guinée : Pas toujours pareil partout et en tout temps

Le monde évolue et bien des pratiques sont révolues. En Guinée, les fêtes religieuses (musulmanes) se célèbrent différemment, selon qu’on soit dans la capitale Conakry ou à l’intérieur du pays. Je me rappelle encore une fête au village, j’avais entre six et neuf ans. C’était un moment très attendu par les enfants de mon âge. L’occasion espérée pour arborer des habits neufs et déguster des mets copieux. J’interrogeais sans cesse ma mère sur la date de la fête. La nuit de la veille de l’événement, j’étais impatient de voir le soleil poindre à l’horizon. Dès l’aube, résonnaient les premiers coups de tambour. A cette occasion, je ne me faisais jamais prier pour sortir du lit. Je me lavais avec empressement, sans me faire engueuler, en dépit de la fraîcheur matinale. Il faut faire vite avant les seconds coups de tambour qui annoncent le départ pour le lieu de la prière.

photo moutons en vente. crédit: Labboyah
photo moutons en vente. crédit: Labboyah

C’est un endroit autre que la mosquée, un grand espace où se retrouvent les fidèles. Depuis le décès de l’Imam El Hadj Sidy, la prière de la fête du Ramadan ou de la Tabaski est souvent délocalisée hors du village. El Hadj Sidy est un septuagénaire, qui maîtrisait parfaitement le coran. A la Mecque, il avait une facilité à communiquer avec les Arabes dont il parlait la langue.
Le lieu de la prière, aménagé à l’ombre d’un arbre, était un champ de mon feu père, qu’il a gracieusement dédié à la cause de Dieu. Fils unique de son papa, il était un grand propriétaire terrien. « C’est avec ces herbes qu’on nous a élevés », me disait souvent mon père, en indexant ses vastes parcelles. Très jeune, je me demandais pourquoi me le disait-il avec autant de fierté. Il m’a fallu du temps pour savoir que mon père voulait juste me faire comprendre qu’il doit sa subsistance aux fruits de la terre ; une terre à laquelle il vouait un grand amour. Il était prêt à tout pour la conserver. Cuisinier en Sierra Leone, mon père avait décliné catégoriquement l’invitation de ses employés blancs qui voulaient partir avec lui au Canada. Au seul motif qu’il rentre récupérer ses terres, que des malhonnêtes gens voulaient exproprier. Ses enfants n’ont pourtant pas aimé cette attitude. Même qu’ils prenaient le passeport de papa pour aller se marrer devant lui.
Kourahoun Iidi, était le nom du lieu de la prière. Le jour de la fête, il était envahi par les fidèles. On y vendait toutes sortes de mets : gâteaux, bonbons, bananes et autres. Avec des séances de photos pour immortaliser l’événement. L’annonce de la prière suspend le battement de tambour. Après les deux rakats, l’Imam prononçait « Assalamou Alaïkoum » (la paix sur vous), pour la fin de la prière. Aussitôt, les enfants se lançaient dans une course folle. Un véritable marathon qui symbolise la poursuite ou la mise en déroute de Satan, nous disait-on. Pour rentrer à la maison, on empruntait un chemin autre que celui de l’aller. Parait que c’est pour accroître les bénédictions. Le soir, mes camarades et moi, nous nous retrouvions pour continuer la fête à notre manière. Une semaine auparavant, chacun avait harcelé ses parents (moi, ma mère) pour trouver sa cotisation. Le non paiement de la somme pouvait valoir l’exclusion de toutes les activités du groupe et pour une longue durée. Sans compter les moqueries et autres humiliations. L’argent servait à préparer des plats, des galettes, à payer des boîtes de conserve, mais aussi à acheter des piles pour faire tourner la cassette dans le combiné emprunté au voisin.
Des années après, ces merveilleux moments me rendent nostalgique. Les temps sont révolus et la fête à Conakry est différente de celle du village. Certaines pratiques ont disparu. Chasser Satan ou emprunter un chemin différent pour retrouver le bercail n’est pas très suivi. A Conakry, les enfants ne regroupent pas leurs plats pour manger, ne se retrouvent pas dans une case pour danser. Les enfants de Conakry préfèrent se faire accompagner dans des endroits publics pour suivre des concerts, aller à la plage, au cinéma, voire en boîte de nuit. Mais en cette période de vache maigre, il faut des parents aisés pour le faire.
L’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE n’a pas eu d’effet positif sur le pouvoir d’achat du Guinéen. Le climat d’incertitude dû à l’attente prolongée des résultats des législatives du 28 septembre et les soucis inhérents aux frais de la rentrée scolaire n’ont pas rendu la fête de Tabaski de cette année encore belle à Conakry. Elle n’aura pas mérité son nom de « Fête de mouton ». En lieu et place des fidèles musulmans, sans doute que les béliers ont célébré leur survie. « J’ai eu des vertiges lorsqu’on m’a dit que le mouton coûte un million trois cent mille francs » s’est lamenté un fidèle. Et pourtant, il y en a qui ont coûté le double. Les gros moutons, notamment ceux importés du Mali, se sont vendus jusqu’à deux millions sept cents. Et que dire d’un taureau à huit millions que nous a présenté un jeune à « Momo-Liberté » (lieu de vente du bétail dans la commune de Dixinn, Conakry)? Heureusement égorger un bélier à l’occasion de la Tabaski n’est obligatoire que pour ceux qui en ont les moyens. Sinon, certains fervents mais indigents fidèles auraient fait recours à la solution d’Abraham, c’est-à-dire sacrifier leur fils unique. Encore faut-il avoir sa foi.
Les salons de coiffure et les ateliers de couture n’ont pas connu l’habituelle affluence. Beaucoup ont dû reprendre les anciens habits, bien repassés pour se faire beau. Ne dit-on pas à défaut de sa maman, on se contente de sa grand-mère ?

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