Guinée : le vendredi était trop saint !

Article : Guinée : le vendredi était trop saint !
Crédit:
3 juillet 2014

Guinée : le vendredi était trop saint !

conakry-05Répétons avec un dicton peuhl « Tous les jours ne sont pas vendredi ». J’y ajouterai que ce n’est pas tous les vendredis qu’on a la (mal) chance de vivre une guéguerre d’imamat. Jusque-là, prier derrière deux imams dans la même mosquée, au même moment, était inédit. Désormais, c’est chose faite. La marque est du « made in Guinea ». Le pays du « Non » à de Gaulle n’a pas fini de surprendre. Comme lors du référendum de 1958, cette fois-ci encore tout le monde a été pris de court. Le vendredi de ce 27 juin 2014 était trop saint, à la mosquée dite « Sénégalaise ». Que l’appellation ne vous trompe surtout pas. Cette maison de Dieu, théâtre de la scène inédite à découvrir dans les lignes suivantes, est plantée en plein cœur de Kaloum, le quartier administratif et des affaires de la capitale guinéenne. Son nom, aujourd’hui source de polémiques, est lié à son histoire. La mosquée a été fondée en 1919 par des Sénégalais de l’administration coloniale. Et le nom est resté. C’est devenu même un repère. Il n’est pas rare d’entendre : « Chauffeur, laisse-moi au carrefour Mosquée sénégalaise ». Même si certains estiment que la mosquée n’est ni sénégalaise, ni guinéenne, mais la mosquée des fidèles musulmans tout court. D’autres la nomment déjà : « Mosquée du centre ». Centre de tous les problèmes ?

Deux sermons relayés par des haut-parleurs

Tant que la divergence était au niveau de l’appellation, c’était encore mieux. Le pire est que depuis le 27 juin 2014, la situation a empiré. Les fidèles ne savent plus à quel imam se vouer. Ni derrière qui prier. C’est à cette date que la maison de Dieu, reconstruite, a été inaugurée. Le troisième imam de la grande mosquée Fayçal de Conakry, El Hadj Mohamed Lamine Sy, a officié la prière dans la mosquée (précision utile), pour l’occasion. Pendant ce temps, l’autre imam dirigeait la prière dans le hangar d’à côté, aménagé au moment de la reconstruction de la mosquée. Finalement, les fidèles se sont retrouvés avec deux imams, deux sermons relayés au loin par des haut-parleurs et des muezzins différents. Sans compter que les sermons étaient faits dans des langues différentes : le poular et le soussou. Allahou Akbar (Dieu est grand !) Devinez la pagaille. Libre au fidèle de choisir derrière quel imam prier. Les fidèles, plutôt les partisans (comme les a désignés le satirique guinéen, Le lynx) ont échangé des propos pas du tout…islamiques. La bagarre dans la nouvelle mosquée a été stoppée grâce à l’intervention des agents de sécurité qui, exceptionnellement, ont appris la sagesse aux religieux. Ceux-là ont dû raccompagner l’imam Sy dans sa voiture pour le sécuriser. En dépit de tout, une partie de la clôture de la maison de Dieu s’est retrouvée par terre.

Un duo en duel au sommet du mihrab

Cette divergence n’est pas d’aujourd’hui. La « Mosquée sénégalaise » était dans un état de délabrement avancé. En saison des pluies, le toit suintait. Des volontaires ont proposé de la reconstruire gratuitement. Mais les expatriés sénégalais auraient souhaité le faire. L’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade, avait promis de financer les travaux, selon des témoins. Mais à condition qu’il soit réélu. (Mal)heureusement, la présidentielle de 2012 a porté Macky Sall à la tête du pays de la Téranga. N’empêche, la mosquée a été reconstruite, sur financement sénégalais. Par une entreprise sénégalaise qui aurait pour patron un certain El Hadj Amadou Sow, troisième imam de la mosquée, que d’aucuns accusent de vouloir s’imposer premier imam. Mais aussi d’avoir précipité l’inauguration de la maison de Dieu, à l’origine de cet inédit duo en duel au sommet du mihrab. Lorsque les sages de la société s’adonnent à un tel spectacle, c’est plutôt inquiétant. Ils prêtent ainsi le flanc au président Alpha Condé et son opposition qui, pour un oui ou un non, transforment le bled en un ring où tous les coups sont permis. Malheureusement, c’est le bas peuple qui est envoyé au tapis. Le changement finit quand ?

Diawo Labboyah    

Partagez

Commentaires

Chantal
Répondre

Belle conclusion

diawolabboyah
Répondre

Merci, Chantal!